C’est une internaute et camarade panafricaine qui a alerté sur cette publicité aperçue dans les couloirs du métro parisien.
De cette nouvelle horreur, que dire ?
Main d’infantilisation et regard confiant pour l’une, sourire niais pour l’autre. Position en arrière plan et surplombante pour la femme blanche avec sa main sous le menton pour signifier son assurance, et l’homme noir au premier plan avec cette main de contrôle posée sur sa tête, tel un objet que l’on exhibe. Effectivement, sur cette image, toutes ces dispositions font qu’ il y a bien un Sujet (la femme blanche), et un Objet (l’homme noir). La place des uns et des autres dans la société nous est ainsi rappelée. C’est d’ailleurs la fonction des images et représentations racistes : remettre chacun à sa place, socialement parlant. Et s’il y a objectification, il y a déshumanisation. Tout cela rend donc l’invitation à « oser » contenue dans le slogan assez louche. Elle ne peut s’adresser qu’à un sujet n’est-ce pas. Un objet n’a pas de subjectivité, donc il ne peut pas être un interlocuteur. C’est bien la femme blanche de cette image qui est donc invitée à oser. « Oser » quoi ? Pourquoi par ailleurs s’agirait-il « d’oser », c’est à dire, de faire quelque chose qui relèverait d’un risque ? L’image et tout ce qu’elle contient de foireux, car raciste, amènent à penser que le risque n’est pas seulement sexuels (grossesse, etc).
S’agit-il d’un complot ? Non. Pas la peine non plus de s’attarder sur le fait que les intentions étaient ou n’étaient pas mauvaises. Les publicistes, comme tout le monde, héritent d’un ensemble de préjugés et représentations racistes qui orientent leur production. Toute la disposition des corps, les expressions des visages, rien ne relève du hasard. On ne choisit pas non plus au hasard de mettre un ou une noire dans une pub, dans des sociétés où la norme est blanche. Le contexte de production de cette pub comme n’importe quelle autre n’est pas neutre : pour le sujet qui nous occupe ici, il s’agit d’une société déjà saturée de représentations négatives sur les noirs en général, et à propos de sexualité en particulier. Sexualité, qui dans le cas des noirs, ne renvoie pas uniquement au plaisir ou à la procréation, mais à la maladie (entre autres choses négatives). Une société dans laquelle l’infantilisation est l’une des formes les plus sournoises de racisme envers les noirs.
Que tout cet imaginaire déjà bien chargé par des siècles de négrophobie soit ou non présent dans cette publicité, là n’est pas la question. L’essentiel est qu’il est impossible d’y voir une image anodine, n’en déplaise à ceux qui préfèrent parler de « paranoïa », de « victimisation » – comme si nous en tirions une quelconque jouissance masochiste – dès lors qu’on pointe le racisme, bel et bien réel, qui structure nos sociétés, des représentations médiatiques jusqu’aux contrôles au faciès, en passant par les différents domaines où la discrimination est massive et continue (emploi, santé, logement, loisirs…).
Notre lutte doit donc être à la hauteur de tous ces enjeux !
Mises à jour : 23 décembre 2017, 22h10. 24 décembre 2017, 00h39. 25 décembre, 21h36
Pour aller plus loin :
- L’image des noirs dans la publicité, 100 ans de racisme ?
- Négripub : l’image des Noirs dans la publicité