Sur la Libye et l’esclavage : cibler les responsabilités occidentales et les structures négrophobes locales

Sur la Libye et l’esclavage, on peut citer deux écueils principaux, tous deux très graves, mais pour des raisons différentes, et avec des conséquences politiques différentes :

1) oubli/minimisation des responsabilités occidentales, notamment de la France, dans la destruction de ce pays; occidentaux qui encore aujourd’hui ont besoin de l’instabilité de la Libye et de la région pour leurs intérêts impérialistes, d’où l’idée de pointer du doigt l’OTAN, l’UE, la France dans les mobilisations. C’est en partie ce qui est déjà fait, car dans les manifestations à Paris, des manifestants scandaient « Sarkozy criminel! ». Mais il faut rester vigilant et bien insister sur ce point, parce que clairement les hommes politiques français vont tout faire pour utiliser à leur profit ces mobilisations. Par exemple, je considère qu’il n’y a rien à « demander » au gouvernement ou à l’ONU, UE etc, comme si ces gens-là allaient régler le problème alors qu’ils en sont en partie responsables et qu’en plus ils en tirent profit ! Ils ne doivent pas être nos interlocuteurs, ce sont des ENNEMIS de l’Afrique. Pour approfondir ce point, il y a pas mal de supports, et par exemple cette émission où un des intervenants est très clair sur le poids de l’occident dans l’horreur actuelle : https://www.youtube.com/watch?v=Ac8Wd0CLiew

Mais il y a un second écueil :

2) négation des racines négrophobes de la Libye (cf ce texte https://byusmedia.fr/esclavage-en-libye-negrophobes/ …) permettant que la déstabilisation actuelle prenne cette forme racialisée et esclavagiste : tous les pays détruits par l’impérialisme n’ont pas de marché d’esclaves avec une dimension raciale….Donc on ne peut pas juste dire « c’est parce que les impérialistes ont saccagé la Libye qu’il y a de l’esclavage ». C’est nier qu’il y a une histoire (évidemment pas linéaire, et certes, fortement bouleversée par le colonialisme européen et les rapports de force Nord/Sud actuels) esclavagiste et des stratifications raciales internes au pays.

Il faut donc tenir les deux bouts : comprendre qui aujourd’hui dirige la #Libye et profite de son instabilité (occident), mais comprendre les fondements historiques de la hiérarchie raciale négrophobe de ce pays expliquant pourquoi quand il y a le chaos, ça prend cette forme. Encore une fois, tous les pays colonisés détruit par l’impérialisme occidental ne voient pas l’émergence de marché aux esclaves…il y a des dynamiques historiques locales à interroger, à intégrer dans l’analyse et la lutte. Et il n’est pas normal que la lucidité sur le rôle de l’occident amène à taire cela.

Il y a un troisième écueil qu’on pourrait mentionner, et qui est une sorte de prolongement du premier : le fait de ne pas penser les liens entre capitalisme, migration et racialisation de la force de travail.

En résumé, lutter contre l’esclavage en #Libye vu les rapports de force actuels, constitue un des volets de la lutte anti impérialiste donc la mobilisation depuis la France doit cibler EXPLICITEMENT l’occident. Et dans cette lutte nous avons le devoir d’IMPOSER l’enjeu de la négrophobie historique de la région, car si la fin de cette horreur dépend de la capacité à empêcher à l’occident de nuire en ayant la main mise sur ce pays (et sur l’Afrique plus généralement), elle ne va pas non plus disparaître uniquement avec ça. Autrement dit, la lutte contre l’occident et son impérialisme est une condition nécessaire mais non suffisante pour la libération des peuples noirs piégés dans des situations historiques et présentes catastrophiques dans les pays du Sud. Donc ça veut dire que pour moi « tenir les deux bouts » ne veut pas dire donner la même place à ces deux réalités, sans voir comment l’une influe sur l’autre, comment l’une (impérialisme) peut déterminer l’autre (négrophobie locale) et donc comment il faut traduire ça politiquement de façon pertinente.

Les noirs ont actuellement une occasion historique de se positionner massivement en opposition à l’occident sur cette question, et donc de gêner les projets impérialistes, et en plus de faire d’une pierre deux coups en se saisissant de la négrophobie dans les contextes colonisés arabes, si on arrive à se saisir de cette question politique de façon intelligente et organisée.

Puissions nous être à la hauteur de la tâche à laquelle nous sommes confrontés. Et pour cela ignorons aussi les paternalistes et méprisants de tous bords, prenant les noirs pour leurs petits frères, ou de grand enfants, incapables d’intelligence politique, et qui nous font la leçon depuis la semaine dernière. Restons concentrés sur nous.

Force à vous les gens, en particulier mes frères et soeurs noirs et à samedi dans nos villes respectives pour manifester notre opposition à cette horreur et cibler TOUS les responsables !