Macron, «diaspora africaine» et «outre-mer» : de nouvelles offensives (néo)coloniales déguisées en partenariat

Deux actualités relatives aux Africains et Afrodescendants[1] m’invitent à dire quelques mots des nouvelles stratégies impériales françaises garantissant un maintien du pouvoir sur des territoires et peuples encore sous le joug du colonialisme.

D’un côté, Macron entend vouloir dialoguer « sans tabou » avec la diaspora africaine à l’Elysée sur les questions migratoires, le terrorisme, etc, sujets sur lesquels la France a des intérêts néocoloniaux à défendre. Pour ce faire, il joue sur les attentes de ces communautés, puisque les enjeux de représentation, de visibilité, de la place des cultures et autres projets économiques ou artistiques d’afros en France sont aussi abordés[2]. Et sous un angle des plus favorables, ces diasporas africaines étant désignées par Macron comme les « ambassadrices » de la France.

De l’autre côté de l’Atlantique, il lance les « contrats de convergence et de transformation », pour dit-il, « changer concrètement la vie en outre-mer », mais toujours dans les mêmes cadres et statuts qui ont largement prouvé leur incapacité à transformer les réalités guadeloupéennes, guyanaises, martiniquaises, réunionnaises[3], etc. On vient aussi de signer de ce côté un « pacte de visibilité » pour mettre « l’outre mer » à la télévision.

Bel effort concerté donc pour neutraliser des deux côtés de l’Atlantique les luttes des peuple afros souhaitant rompre avec le pacte néocolonial. C’est à dire les luttes dont les objectifs sont aux antipodes de l’intégration. D’une pierre, deux coups donc : à l’heure où côté caribéen la question statutaire est discutée par exemple en Guadeloupe, où les débats sur les réparations prennent place petit à petit (notamment grâce au travail du MIR Martinique), et de l’autre, où les forces panafricaines s’organisent toujours plus même depuis l’Europe, et notamment au niveau étatique avec le président Ghanéen, Nana Akufo-Addo lui-même présent à ce débat, il est fort utile de tenter de ramener à soi les sujets de l’empire en utilisant les vieilles ficelles du « partenariat ». Mais peut-on réellement prétendre être des partenaires quand les pouvoirs économiques, politiques et militaires sont concentrés d’un seul côté ?

De plus, alors qu’entre autres méfaits, l’État demande au 115 de lui fournir la liste des réfugiés qu’il héberge, qu’il durcit toujours plus ses politiques migratoires, qu’il réaffirme de façon appuyée sa présence militaire, économique et politique en Afrique, à l’ouest où il est déjà durablement implanté et à l’est où il désire s’étendre, que les gilets noirs multiplient les actions pour dénoncer la condition des migrants, on organise ces mascarades à l’Elysée avec la « diaspora africaine ». Quoi de mieux en effet que de redorer l’image d’un tel Etat bien décidé à rester dans des logiques coloniales et migratoires puantes, en y associant des « premiers concernés ». Segmentation raciale classique : promettre d’une main charitable l’intégration aux uns, pendant que l’on écrase de l’autre ceux qui sont jugés indésirables.

Mais mauvaise nouvelle pour les candidats à l’intégration : cette stratégie ne marche pas. Ou du moins, pas pour tout le monde. Peut-être serons-nous plus « représentés » à l’issu de cette opération politique opportuniste. Plus de noirs accéderont possiblement à des postes à responsabilité, des projets « diversité » se feront qui sait plus nombreux etc. Mais à part des bénéfices pour quelques-uns, la condition de la majorité des Afros ne changera pas, le pillage de l’Afrique continuera, et la situation des « outre mer » sera toujours celle d’une dépendance organisée : importation, importation, importation; tourisme, tourisme, tourisme. Sur la question migratoire, Macron nous prouve d’ailleurs encore fois qu’il est un personnage dont l’indécence est sans limite, lorsqu’il déclare qu’il faut offrir un avenir à la jeunesse africaine en Afrique, alors même que toute la politique français sur ce continent est une ENTRAVE à l’avenir des Africains.

Tout ce cinéma fournit encore l’occasion de durcir le ton avec les discours sur l’importance de la représentation, de la visibilité, et la croyance en une négociation possible avec un Etat néocolonialiste. Il est vrai qu’en fonction de la couleur politique d’un président, sa façon de nous arnaquer ne sera pas la même. En golden boy de la finance aux allures progressistes, la méthode macronienne consiste à tendre la main (et à balancer des baffes ensuite). Marine Le Pen aurait peut-être agit autrement, toujours est-il l’arnaque se poursuit, quelque soit sa forme.

En définitive, ce n’est pas parce qu’on peut s’asseoir à la table de quelqu’un qu’on est son égal. A partir du moment où c’est lui qui invite, qui donne le thème de la soirée, qui nous sert sa petite cuisine, bref que c’est lui le maître d’oeuvre, et qu’en plus il nous prouve qu’il défend avant tout ses intérêts, nous courrons toujours le risque de finir empoisonnés. Travaillons donc plutôt à rassembler nos forces, hors de ces sollicitations intéressées, pour faire notre propre « cuisine », avec les ingrédients que NOUS choisissons, les plats que NOUS imposerons sur la table. Bref, devenir nous-mêmes les maîtres d’oeuvre. Autrement nous continuerons à ingérer le poison des autres, et à nous plaindre des innombrables maux qu’il nous cause. A quand un changement de stratégie ?

Mises à jour : 17h30; 19h20


[1] Bien qu’elles ne se limitent pas à ces peuples, parce que notamment en « outre mer », il y a des populations autochtones, ou asiatiques qui subissent même sous des modalités différentes, le poids du colonialisme français.

[2] https://tinyurl.com/y5dft2qv

[3] https://tinyurl.com/y6ao72qe